Le Lutétia, cet hôtel mythique classé style Art Déco du Boulevard Raspail, a fermé ces portes ce lundi 14 Avril à midi pour 3 ans de travaux afin de maintenir sa place sur le marché très concentré des palaces parisiens.
Une remise à neuf nécessaire
Depuis l’arrivée des nouveaux établissements d’inspiration asiatique dans la capitale, ces «Dragons d’Asie» (Shangri-La, Mandarin Oriental, Peninsula) comme on les appelle, les palaces parisiens vieillissants se retrouvent à entreprendre des travaux de rénovation afin de résister à cette forte concurrence et correspondre davantage aux standards actuels de la clientèle internationale. Après le Ritz (Août 2012), le Crillon (Mars 2013), le Plaza Athénée (Octobre 2013), le Lutétia est donc le 4ème établissement à fermer ses portes. Racheté près de 145 millions d’euros en 2010 par le groupe immobilier israélien Alrov, cette fermeture n’est qu’un «entracte voué à sublimer cet établissement emblématique du patrimoine français tout en conservant son âme tant appréciée», d’après le propriétaire des lieux.
C’est le cabinet d’architecture de Jean-Michel Wilmotte qui est en charge du projet de rénovation du Lutétia. Notons que ce cabinet avait également été sollicité pour déployer le concept parisien du Mandarin Oriental et il redessine actuellement le nouveau Crillon… Bien que le projet de transformation du Lutétia reste ultra secret, nous disposons, d’ores et déjà de quelques informations….L’établissement devrait perdre une quarantaine de chambre pour passer à moins de 200 suites. Un salon non-classé et une partie du premier sous-sol se transformeront en un luxueux spa, ouvert à la clientèle extérieure, de 700m2 et un jardin d’hiver remplacera le bar. Il y aura également un nouveau patio central, un jazz club, une piscine de 18m de long et une bibliothèque pour accueillir des rencontres artistiques et littéraires. Le restaurant gastronomique fermera définitivement ses portes pour laisser la place à une grande brasserie de 240 places. Le cabinet Wilmotte a assuré que «les éléments architecturaux Art déco et Art nouveau du passé seront mariés à un design contemporain». L’investissement serait entre 80 et 100 millions d’euros. Ces travaux seront surveillés par le regard bienveillant des 250 membres de l’association «Les Amis du Lutétia». Michèle Dufour, la présidente, a d’ailleurs déclaré : « Nous allons nous assurer qu’ils respectent l’arrêté de classement du bâtiment, que nous avons obtenu en 2007. Ils ne peuvent pas toucher aux façades, aux toitures, au hall de réception, à la galerie, à certaines salles ou encore à des escaliers avec leurs cages« .
Le Lutétia, lieu d’histoire et de mémoire
Le Lutétia a été construit en 1910 à l’initiative de Aristide et Marguerite Boucicaut, propriétaire du grand magasin Le Bon Marché. Ils souhaitaient que leurs clients de province puissent être logés dans un établissement à proximité du Bon Marché mais qui soit également à la hauteur du« train de vie » de leur clientèle quand ces derniers se rendaient à Paris. Il fut conçu dans un style art nouveau par les architectes Louis-Charles Boileau et Henri Tauzin. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il fut occupé par les services de renseignements allemands puis les déportés de retour des camps.
Le Lutétia, le haut lieu des écrivains, artistes et intellectuels
Depuis sa construction, de nombreuses figures prestigieuses des arts et du monde de la littérature s’y sont côtoyées. Le poète irlandais James Joyce, Antoine de Saint-Exupéry, ou encore André Gide, Picasso, Matisse, Joséphine Baker y ont même vécu plusieurs années. Le Général de Gaulle aurait même passé sa nuit de noce, en 1921, au Lutétia.
Une vente aux enchères qui s’annonce exceptionnelle
Toute la décoration de l’établissement – qui rend également hommage aux œuvres d’artistes contemporains comme César, Thierry Bisch, Perrin mais surtout Arman– va être mise aux enchères du 19 au 25 Mai prochain après une ultime soirée jazzy le 15 suivie de 4 jours d’exposition. Près de 7 000 lots, estimés entre 1.5 et 2 millions d’euros, seront vendues sous le marteau du commissaire-priseur Antoine Godeau, du cabinet Pierre Bergé & Associés. Un choix qui ne tient rien au hasard puisque Pierre Bergé a vécu une dizaine d’années au Lutétia. Parmi ces lots, on compte 3 000 meubles, 8 000 bouteilles de vins et autres alcools ainsi que des pièces exceptionnelles. La literie et les petits téléviseurs seront cédés au personnel.
Le personnel, seule ombre au tableau
Du côté des employés, la fermeture du Lutétia passe mal…Les 211 salariés contestent le plan de sauvegarde de l’emploi proposé par la direction. En attendant de retrouver leurs emplois à l’issue des travaux, le personnel n’ayant pas accepté un départ volontaire devrait être réparti dans d’autres palaces parisiens.
Vers l’obtention du label Palace
Dès la ré-ouverture du 45 Boulevard Raspail, l’ambition du Lutétia sera d’acquérir le tant convoité label Palace (5 étoiles décernés aux établissements d’excellence) dont jouissent déjà 13 hôtels en France dont 6 à Paris. Il faudra donc patienter jusqu’en 2017 pour franchir le seuil du nouveau Lutétia…
Johanna a écrit
Très intéressant cet article. Il me donne envie de découvrir ce palace à sa réouverture!
Justin Case a écrit
« Les 211 salariés conteste » : faute de conjugaison
Glawdys Roméo a écrit
Merci Justin!