Delphine Plisson présentait sa « food reconversion » pour l’ouverture de la première école de cuisine My Little Paris. La fondatrice de l’épicerie fine Maison Plisson a partagé, la semaine dernière, son parcours pour devenir entrepreneur et ouvrir sa première boutique dans le 3ème arrondissement de Paris, en Mai 2015. Un témoignage sans détour, où authenticité et sincérité étaient les maîtres mots, bien loin des discours utopistes que l’on entend parfois sur l’entreprenariat. Elle a accepté de revenir sur les 13 points essentiels pour réussir sa reconversion et devenir entrepreneur.
Quel a été son parcours avant Maison Plisson ?
Delphine Plisson a passé 20 ans dans la mode avant de créer son magasin d’épicerie alimentaire. Elle a occupé des fonctions dans le marketing, la finance, la distribution chez Agnès B, Saint Laurent et Claudie Pierlot où elle sera Directrice Générale pendant une dizaine d’années. A 43 ans, elle ouvre la première Maison Plisson, alors qu’elle est célibataire et a la tête d’une tribu de 5 enfants.
Leçon N°1 – Identifiez ce qui vous fait vibrer
« A 40 ans, j’avais passé 20 dans la mode et je me suis dit que j’étais allée au bout. Puis, un soir, je me suis posée la question suivante : qu’est ce que tu ferais demain si tu n’avais aucune contrainte ? La réponse était claire : j’irai faire le marché, je cuisinerai beaucoup et je boirai beaucoup de vin. Alors, j’ai décidé de me lancer. », raconte Delphine Plisson. Se poser les bonnes questions est essentiel avant de se lancer dans l’entreprenariat, car nous ne sommes pas tous fait pour cette vie. La réaction que l’on peut avoir face à certaines situations permet de définir ce que l’on souhaite faire de sa vie personnelle et professionnelle. Il faut se demander: quels sont les objectifs que je souhaite atteindre ? Qu’est ce qui a le plus de valeur à mes yeux ? Qu’est ce que je suis prêt à sacrifier ?
Leçon N°2 – Analysez vos forces
Il faut être honnête avec soi-même lorsque lorsqu’il s’agit d’identifier ses forces et ses faiblesses, mesurer ce que l’on sait faire, ce que l’on aime faire et ce que l’on ne veut plus faire. Son projet de reconversion doit être cohérent avec son expérience si on veut mettre le plus de chance de son côté. « J’avais dirigé une boîte pendant 10 ans (Claudie Pierlot, NDLR) donc je savais que diriger un magasin serait à ma portée. Ce qui a été utile, c’est que je me connaissais bien. A 40 ans, on connaît ses forces et ses faiblesses. »
Leçon N°3 – Préparez votre reconversion
Réussir son projet de reconversion demande du temps et de la préparation. « Il s’est écoulé 3 ans entre le moment où j’ai décidé de me lancer et l’ouverture de la première Maison Plisson en Mai 2015. J’ai commencé par travailler le soir et le week-end en parallèle de mon activité professionnelle», raconte la fondatrice. Il faut profiter de son temps libre, apprendre à se discipliner et adopter une logique de « petit pas ».
Leçon N°4 – Étudiez votre marché pour affiner votre concept
Il ne s’agit pas de trouver une idée innovante ou un concept révolutionnaire pour rencontrer le succès. Tout existe déjà et cela n’a pas d’importance. Ce qui compte, c’est ce que vous pouvez apporter. Il faut également déterminer si une demande existe déjà pour votre produit ou votre service. Si c’est le cas, pouvez-vous proposer un service plus performant ? Delphine Plisson explique : « J’ai commencé par faire un benchmark pour identifier ce que faisaient les autres et ce que je pouvais apporter comme valeur et sens. Après plusieurs mois, j’avais construit un carnet avec plusieurs pistes, avec des collages d’images. Je me suis posée un week-end et j’ai fait la synthèse de ce travail déjà effectué. Je savais que je voulais faire de la distribution alimentaire à la Dean & Delucca à New-York, offrir une expérience autour du plaisir et du bon sens. J’avais mon concept !»
Leçon N°5 – Trouvez un coach ou un sparring-partner
Un projet de reconversion rend souvent stupéfait l’entourage. « Il ne faut pas écouter les gens qui vont faire un transfert de leurs propres peurs, mais s’entourer de gens bienveillants », raconte Delphine Plisson. Au contraire, il faut prendre une personne de son entourage qui croit en vous et qui vous accompagne et vous encourage positivement. Jean-Luc Colonna, fondateur du concept store Merci, a joué ce rôle pour Delphine Plisson. « Accroche toi et surtout parles en à tout le monde pour te donner de l’énergie. Il ne faut pas t’isoler. Et n’écoute personne, parce que c’est ton projet, ton idée, c’est toi qui sait », lui a-t-il recommandé.
Leçon N°6 – Réalisez votre business plan
Une fois que le concept est trouvé, il faut préparer un business plan solide afin de trouver un financement. Plusieurs modèles sont disponibles gratuitement en ligne. Ce document doit présenter la future activité de l’entreprise, sa cible, l’analyse du marché ainsi qu’une projection financière pour les 3 à 5 premières années. « Quand vous faites un business plan, les investisseurs potentiels ne regardent que la ligne d’en-bas, le ROI. Ils s’attendent à gagner 2 ou 3 fois l’investissement de départ au bout de 5 ans. En ce qui me concerne, j’avais 20 000€ d’économie et mon projet coûtait 4,6 millions d’euros», explique Delphine Plisson.
Au-delà de l’investissement nécessaire à la création de l’entreprise, il faut également évaluer les risques que vous êtes prêt à prendre, le niveau de perte acceptable. La fondatrice de Maison Plisson raconte : « Pour le financement, je me suis demandée comment j’allais faire vivre ma famille de 7 personnes, sachant que je n’avais pas vraiment d’économie et que j’ai toujours été locataire ».
Leçon N°7 – Formez vous en faisant des stages d’immersion
« Mon postulat de départ, c’est que je n’avais pas de compétence, donc je me suis entourée de gens compétents. J’ai suivi des cours du soir de boulangerie, de pâtisserie, de fromagerie. Je contactais des gens sur Linkedin en leur demandant de prendre un café avec moi », avoue Delphine. Faire des stages d’immersion permet de se tester, de mesurer si le métier vers lequel vous vous destinez est vraiment fait pour vous. C’est l’occasion de prendre le temps de perfectionner ses connaissances et d’apprendre les bases de son futur métier.
Leçon N°8 – Trouvez votre financement
Plusieurs options sont possibles, parfois même il faut recourir à une combinaison de plusieurs d’entre elles : un prêt bancaire, apport personnel, business angel, subventions, crowdfunding… Delphine Plisson aura eu près de 120 entretiens avec des banques avant de trouver celle qui acceptera de lui accorder un tiers de la somme dont elle avait besoin. Elle raconte : « Après 15 refus de banque, j’ai changé de stratégie. Je suis allée voir tous les gens avec qui j’avais travaillé. Au bout de 20 ans d’expérience, il y en avait quelques-uns ! Dès que je trouvais quelqu’un prêt à me faire une promesse de don, je lui demandais de me présenter quelqu’un d’autre, intéressé par mon projet, et qui pourrait me financer». Ces anciens patrons de Claudie Pierlot, Frédéric Biousse et Elie Kouby (co-fondateurs de SMCP), sont devenus ses premiers actionnaires, en investissant chacun 2,5%. « Les gens riches ont besoin de défiscaliser, il ne faut pas avoir peur d’aller les voir. Ce ne sont pas des philanthropes, s’ils investissent chez vous, c’est qu’ils pensent gagner de l’argent. Une fois que j’avais réuni la moitié de la somme dont j’avais besoin, je suis retournée voir les banques ». Delphine Plisson compte 31 associés dont Michaël Benabou (Co-fondateur de Vente Privée) et Fany Péchiodat (créatrice de My Little Paris, mais elle reste l’actionnaire majoritaire. « Aujourd’hui, je suis majoritaire et caution personnelle d’une dette de 7 millions d’euros » , révèle l’entrepreneure.
Il faut parfois attendre plusieurs années avant de retrouver le salaire que vous perceviez avant de vous lancer dans l’entreprenariat. Au-delà du financement pour l’entreprise, il faut également prévoir comment faire vivre sa famille tout au long de la phase de préparation du projet. « La première année, j’étais encore en poste puis la boîte pour laquelle je travaillais a été rachetée donc j’ai pu toucher le chômage pendant deux ans. Cela m’a beaucoup aidé car j’avais 4 enfants à assumer », dévoile Delphine Plisson.
Leçon N°9 – Constituez votre « core team »
« J’ai compris rapidement qu’il me fallait une directrice des achats. J’ai rencontré la directrice des achats de mon projet. Elle a démissionné et m’a accompagné pendant un an faire le tour de France des producteurs. Il me fallait également un directeur d’exploitation car il y a près de 643 lois à respecter dans l’alimentaire. Je me suis entourée de l’ancien Directeur d’exploitation de la Grande Epicerie, en poste depuis plus de 15 ans », raconte Delphine Plisson. Cette core team va identifier les produits spécifiques à chaque région de France, avant de se rendre sur place pour découvrir les richesses des terroirs français et sélectionner les futures références du magasin. « J’ai rencontré des centaines de producteurs, testé des milliers de produits, goûté des plats improbables à des heures impossibles pour sélectionner 7 000 références disponibles chez Maison Plisson » , raconte la fondatrice de la maison éponyme.
Leçon N°10 – Cherchez vos sponsors
« Brunot Doucet, mon ex-mari qui est chef de restaurant, est devenu sponsor et nous a permis de convaincre Yves Camdeborde, qui est parrain de Maison Plisson aujourd’hui ». Travailler ne suffit pas lorsque l’on souhaite se lancer dans l’entreprenariat. Il faut également faire les bonnes rencontres au bon moment, convaincre des experts reconnus dans le métier, prêts à vous soutenir et ouvrir leur réseau.
Leçon N°11 – Trouvez LE lieu
Dans la restauration, le lieu est essentiel. Il faut du passage, soigner le design de l’espace pour donner envie de s’arrêter et de rentrer dans la boutique. Le lieu doit également être suffisamment grand pour incarner un véritable lieu de vie, dans lequel il est possible de passer la journée en famille. La première Maison Plisson est située Boulevard Beaumarchais, dans le 3ème arrondissement de Paris, à quelques pas de du concept store Merci. Quant à la deuxième maison, elle vient d’ouvrir en plein cœur de Paris, Place du Marché Saint Honoré, dans le 1er arrondissement.
Leçon N°12 – Recrutez le personnel
A peine deux mois avant l’ouverture de la Maison Plisson, Delphine s’est lancée dans le recrutement du personnel. Son parti-pris : recruter les meilleurs dans leur domaine. On retrouve ainsi le boucher Didier Massot, Meilleur Ouvrier de France, le fromager Ludovic Galfione, le Maître Glacier Philippe Faur, le spécialiste du café Hippolyte Courty.
Leçon N°13 – Parlez de votre projet à tout le monde
Delphine Plisson a bénéficié du savoir-faire et du réseau de son amie Clarisse Ferreres-Fréchon, fondatrice de l’agence de communication Melchior, spécialisée dans l’art de vivre. « Cela m’a permis d’avoir une excellente couverture médiatique lors du lancement. Mon parcours a compté aussi : j’ai travaillé 20 ans dans la mode, j’ai 5 enfants, je me suis mariée 3 fois et j’ai divorcée 2 fois….je suis une bonne cliente pour la presse». Aujourd’hui, la Maison Plisson compte plus de 5 000 visiteurs par mois. « Le bouche-à-oreille, c’est ce qui marche le mieux. On ne fait pas de publicité, on préfère mieux payer les producteurs et les salariés », explique Delphine.
En 2 ans, Delphine Plisson a réussi à faire de son épicerie alimentaire une adresse référence pour les parisiens et les professionnels du secteur, qui rendent hommage aux 7 000 produits d’exception disponibles au sein des deux magasins. A la tête d’une équipe de 120 personnes, l’entrepreneure ne compte pas s’arrêter là. Elle souhaite ouvrir un blog sur l’art de vivre avec des recettes, des portraits de producteurs, des vidéos de dégustations en parallèle de l’ouverture de nouvelles adresses à Paris. L’année 2019 devrait également lui permettre d’atteindre l’équilibre financier…
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