Depuis la crise économique de 2008, tous les acteurs économiques ont été affectés. Les consommateurs ont profondément modifié leurs habitudes: ils changent de circuit de distribution, s’orientent vers les offres au meilleur rapport qualité-prix. Le prix d’un produit est donc, plus que jamais, au cœur de tous les débats. Les entreprises doivent s’adapter, mettre en place de nouvelles stratégies et repenser leurs offres pour faire face à la chute des ventes. Ce contexte profite à l’essor du modèle low-cost qui favorise la réduction maximum des coûts, la simplification du produit pour proposer le « prix juste », autrement dit le plus bas possible. Présenté tantôt comme un modèle « destructeur de valeur » puis comme « une réussite anti-crise », le low-cost semble passer du statut de « pestiféré » à ce lui de porteur d’une tendance de fond.

Les pionniers du low-cost
Au début du XIXème siècle en France, les prix ne sont jamais affichés et ils varient de façon aléatoire en fonction du client. En 1852, le commerce de détail doit subitement faire face à la concurrence des grands magasins: le Bon Marché, la Samaritaine et les Galeries Lafayette. En effet, ces enseignes vendent leurs produits à prix fixes ce qui permet au client d’apprécier et d’identifier une valeur à chaque produit. En 1949, Edouard Leclerc achète ses produits directement auprès des producteurs pour vendre 30% moins cher que ses concurrents. La suite de l’histoire, on la connaît. A la même époque, en Suède, Ingvar Kamprad met en place une stratégie similaire mais pour vendre par correspondance des meubles en kit à des prix défiant toute concurrence. Ikea est né !
L’émergence d’un nouveau modèle économique : le low-cost
Dès les années 1990, le modèle low cost se développe rapidement en Europe notamment grâce à la libéralisation du ciel aérien, les délocalisations et l’essor des e-shops. Aujourd’hui, le «low cost» se généralise et s’étend à tous les secteurs.
Rien que pour l’aérien, on ne compte pas moins de vingt compagnies low-cost. On constate un écart de prix moyen de l’ordre de 60% entre Air France et Easyjet. Easyjet fait régulièrement la promotion de billets d’avion à 1 euro, ce qui est moins cher qu’un ticket de bus. Le low-cost bouscule ainsi les prix et la valeur que nous portons à un produit ou un service. Par ailleurs, il a permis de créer de la demande, grâce à sa politique de prix bas. La création de nouvelles lignes permet désormais aux ménages à bas revenus de voyager en Europe.

En 2005, le concessionnaire Renault a lui aussi lancé une voiture low-cost : la Logan sous la marque Dacia. Cette berline familiale, proposée à moins de 8 000 euros, devait conquérir la clientèle des pays émergents, dont le budget est très serré. L’entreprise a procédé, entre autre à la réutilisation des composants des autres modèles de Renault ainsi que la délocalisation des usines de production en Turquie et en Roumanie. Contre toute attente, la Logan a également séduit de nombreux clients en France qui ne veulent plus s’endetter pendant plusieurs années pour posséder une nouvelle voiture. Cette stratégie a été payante puisqu’en 5 ans, Dacia représente 25% des ventes de Renault. Parmi les 2,63 millions de véhicules vendus par le groupe, 685 000 sont des Dacia. La marque low-cost est ainsi devenue un moteur de croissance et un axe fort de la stratégie de Renault. Les concurrents du groupe tels que Citroën et Peugeot ont récemment annoncé leur volonté d’investir dans le low-cost.

Dans le secteur du textile, des entreprises telles que Zara (Groupe Inditex) ou H&M se sont imposées sur le segment du low-cost. Elles revendiquent leur esprit de marque de « mode de qualité au meilleur prix ». Les collections H&M permettent aux petits budgets d’acquérir des vêtements à la mode et de créer leur propre style. Les lignes de l’enseigne sont nombreuses afin de satisfaire tous les goûts et toutes les attentes des clients. « La règle d’or dans une telle alliance est de fixer des prix à peine plus élevés voire identiques à ceux de l’enseigne de grande distribution », selon Vincent Bastien, co-auteur de Luxe Oblige. Les prix varient entre 1 et 300 euros. La création des modèles, largement inspirés de la haute couture, permet de réaliser d’importantes économies de coûts. Alors que les marques traditionnelles lancent une collection par saison, Zara ou H&M ajoutent de nouvelles collections dans leurs magasins toutes les deux ou trois semaines, afin de stimuler leurs ventes tout au long de l’année. Ces groupes, en proposant une « mode universelle à bas prix» pour toute la famille, ont révolutionné le secteur textile.

Néo-consommateurs post-crise
En période de crise, les consommateurs préfèrent modérer leurs achats. Ils comparent les prix des produits sur Internet, ils sont plus exigeants et versatiles. Au-delà des fonctions rationnelles et des services qu’ils attendent d’un produit, ils veulent vivre des expériences d’achats inoubliables, poly-sensorielles et qui leur procurent des émotions.
D’autres secteurs comme la restauration se sont d’ailleurs lancés dans le low-cost car ils y voyaient un « remède anti-crise » pour maintenir la fréquentation de leurs établissements. Ainsi, le restaurant The Little Bay, à Londres, propose à ses clients de fixer leurs propres tarifs.Cette offre a intrigué les clients qui se sont précipités dans l’établissement. D’après Peter Ilic, chef du restaurant, « Les gens paient en moyenne plus cher qu’ils ne le devraient, environ 2-3 livres de trop ». Le chef de l’établissement envisage aujourd’hui de renouveler l’expérience et de demeurer « le restaurant dans lequel on fait son prix ». D’autres restaurants au Japon, aux États-Unis et en France ont adopté la même idée.

Le paysage économique s’est vu profondément métamorphosé par ce modèle fondé sur la diminution maximum des coûts. D’après le Mercator, « on n’obtient pas un prix bas en rognant sur la qualité des produits ou du service de base mais en repensant le processus de création de valeur ». L’enjeu est d’innover sans cesse, faire preuve de créativité pour faire mieux avec moins. Le rapport remis en Décembre 2007, « Le Low Cost : un levier pour le pouvoir d’achat », commandité par le Gouvernement Français à Charles Begbeider et Emmanuel Combe soutient l’idée d’Olivier Géradon de Vera, vice-président d’Iri France, selon laquelle « le low-cost restitue du pouvoir d’achat pour permettre du vouloir d’achat. » En effet, le low cost ne se limite pas aux ménages disposant des revenus les plus bas. Il touche aussi des catégories aisées qui redéfinissent leur rapport aux prix, aux marques et leurs attitudes vis-à-vis de la société de consommation.
Les pionniers du low-cost ont su se distinguer par leurs idées innovantes. Ils ont réussi à créer de la valeur économique pour l’entreprise, en termes de rentabilité et de profit, ainsi qu’une valeur ajoutée pour le consommateur en transformant l’expérience des clients. Ces entreprises continuent aujourd’hui d’étendre leur influence ce qui démontre que le concept low-cost n’est pas seulement un « remède anti-crise » mais bien une tendance de fond.
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